24 février 2025

Un étudiant handicapé poursuit l’UQAM pour atteinte à ses droits fondamentaux | La Presse

Un étudiant handicapé poursuit l’UQAM pour atteinte à ses droits fondamentaux

Un étudiant en fauteuil roulant réclame près de 100 000 $ à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) parce qu’il peine à utiliser des toilettes « adaptées », à tel point qu’il est tombé à plusieurs reprises. Une situation qu’il tente de faire corriger depuis plusieurs années et qui lui a apporté « honte et frustration ».

Marie-Eve Morasse – La Presse

 

Ce qu’il faut savoir

  • Un étudiant en fauteuil roulant réclame près de 100 000 $ à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) parce que des toilettes, pourtant annoncées comme « adaptées », ne le sont pas pour lui.
  • Selon la poursuite déposée en décembre, l’étudiant en informatique est tombé par terre à plusieurs reprises en allant aux toilettes.
  • L’UQAM assure qu’elle « respecte scrupuleusement ses obligations en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne ».

Olivier (prénom fictif) a terminé un baccalauréat en informatique à l’UQAM et veut bientôt entreprendre une maîtrise. Il se déplace en fauteuil roulant depuis qu’une rupture d’anévrisme survenue à l’âge de 14 ans l’a laissé en partie paralysé.

Du tragique évènement, l’homme se souvient de l’artère qui cède dans son cerveau comme du bruit « de tout l’univers qui éclate » dans sa tête ; il a appelé à l’aide, puis a perdu connaissance.

Aujourd’hui dans la trentaine, il se bute, depuis le début de ses études universitaires, à de nombreux obstacles pour un besoin des plus élémentaires : aller aux toilettes.

Je suis tombé plusieurs fois et j’ai même uriné sur moi parce que la seule toilette accessible était au quatrième étage.

 Olivier

Bien que la procédure judiciaire soit publique, La Presse a accepté de ne pas nommer l’étudiant pour préserver sa dignité.

Une de ses chutes s’est produite dans des toilettes situées au sous-sol, où le réseau cellulaire était inaccessible.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Cette toilette pour personnes handicapées n’est dotée que d’une barre d’appui. L’étudiant qui poursuit l’UQAM a besoin de deux de ces barres pour se soulever.

« J’ai crié “À l’aide, à l’aide !” jusqu’à ce que des personnes viennent. Elles voulaient m’aider, mais je ne voulais pas qu’elles forcent pour rien, donc je leur ai demandé d’appeler la sécurité », raconte l’étudiant, qui s’est aussi cogné la tête au sol dans un autre évènement du genre.

Certaines toilettes censées être accessibles aux personnes en fauteuil roulant ne le sont pas, déplore la poursuite déposée en décembre au palais de justice de Montréal.

Olivier réclame 98 500 $ à l’université pour les souffrances liées à ses chutes, des dommages moraux liés à « la honte et la frustration », et l’atteinte à ses droits fondamentaux.

« Il y a aussi des demandes pour les accommodements de façon permanente. Les toilettes indiquées comme accessibles devraient être conformes : avoir deux barres d’appui, une porte motorisée et pas d’œil magique dysfonctionnel », dit MMarianne Routhier-Caron, qui représente l’étudiant.

Il arrive, explique-t-elle, qu’une porte automatique soit installée, mais qu’un œil magique empêche l’ouverture de cette porte si un obstacle est détecté.

Ce dispositif a empêché l’étudiant de sortir des toilettes. « Parfois, je devais attendre 20 minutes jusqu’à ce qu’un agent de sécurité vienne m’ouvrir la porte », dit-il.

L’UQAM dit respecter « scrupuleusement ses obligations »

Comme le dossier a été porté devant les tribunaux, l’UQAM a indiqué à La Presse qu’elle ne le commenterait pas.

« L’UQAM respecte scrupuleusement ses obligations en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Elle analyse avec attention, au cas par cas, toutes les situations qui requièrent des accommodements particuliers et met en place les accommodements raisonnables », nous a écrit Caroline Tessier, directrice du service des communications de l’université.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

La poursuite déplore notamment que des toilettes pour personnes en fauteuil roulant ne soient pas munies d’une porte motorisée.

Olivier relate qu’à la suite de certaines de ses demandes et avec l’appui de son association étudiante, l’UQAM a fait changer de local tout son groupe pour s’assurer qu’il soit plus près de toilettes adaptées à sa situation.

Dans certaines toilettes, une deuxième barre d’appui a été ajoutée.

L’avocate d’Olivier déplore que l’université réagisse seulement quand un incident malheureux survient, par exemple lorsqu’il tombe.

L’UQAM a aussi fourni un service de préposés aux bénéficiaires à l’étudiant. Mais ses amis savent qu’il est « assez indépendant », et la présence d’une personne « habillée comme à l’hôpital » a suscité des questions, relate l’étudiant.

« Ils m’ont demandé si ma santé allait bien, si j’avais régressé », illustre-t-il.

MRouthier-Caron ajoute que l’assistance d’un préposé est « très contraignante » pour son client. « Il faut qu’il planifie tous ses déplacements. Il n’y a pas de spontanéité », explique l’avocate, qui précise que cette mesure devait initialement être temporaire.

L’étudiant affirme qu’il a décidé de poursuivre l’établissement au terme d’une rencontre avec la direction de l’UQAM, où on lui aurait dit de ne pas se présenter à l’université en dehors de ses heures de cours.

« Je suis étudiant, j’ai payé mes cours. J’ai payé pour des services en dehors de mes heures de cours. Je suis un étudiant comme les autres. J’ai le droit d’aller à l’école », répond-il.

Olivier estime que les personnes en situation de handicap ne doivent pas se taire, ne serait-ce que pour ceux qui, dans l’avenir, se trouveront dans la même situation.

« Je me suis posé beaucoup de questions : “Est-ce que je continue de me battre, ou j’arrête ?” Je me suis dit : “Let’s go, tu peux y aller.” »