Quelles sont les sources de charge cognitive des étudiantes et étudiants neurotypiques et neurodivergents en contexte de cours en ligne ? En quoi cette charge cognitive varie ? Et qu’est-ce que cela implique pour la conception des cours ?

Une récente étude réalisée par une équipe du King’s College London offre plusieurs pistes de réponses à ces questions. L’équipe constate notamment que bien que les sources et les domaines de charge cognitive varient, des modifications au design pédagogique pourraient bénéficier à toutes les personnes apprenantes.

Charge cognitive en formation en ligne

Alors que la formation en ligne gagne en importance, la recherche s’intéresse de plus en plus à ses effets sur la charge cognitive, cette dernière ayant des impacts sur la motivation, la concentration et l’apprentissage.

Qu’est-ce que la charge cognitive ?

Il s’agit de la quantité de ressources de la mémoire de travail nécessaires à la maintenance et au traitement d’information pendant une tâche cognitive. On distingue 3 types de charges cognitives :

  • La charge intrinsèque, liée à la difficulté inhérente à un sujet.
  • La charge extrinsèque, liée à la façon dont l’enseignement est dispensé.
  • La charge essentielle, liée à l’effort investi par la personne apprenante pour intégrer durablement ces connaissances, notamment en créant des schémas mentaux (Le Cunff et al., 2024).

L’équipe de recherche constate néanmoins que peu d’études ont porté sur les expériences potentiellement différentes de la charge cognitive vécue par les étudiantes et étudiants neurotypiques et neurodivergents dans l’apprentissage en ligne.

Pour pallier ce manque d’informations, l’équipe s’est entretenue avec des personnes neurotypiques et neurodivergentes dans le cadre de 6 groupes de discussion en ligne. Au total, 26 personnes ont été entendues : 14 étudiantes et étudiants neurotypiques (3 femmes et 11 hommes) et 12 personnes neurodivergentes (8 femmes et 4 hommes ayant un diagnostic d’autisme, de dyslexie et/ou de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité). Les participantes et participants provenaient de différentes universités anglaises et avaient tous eu minimalement une expérience de cours sur une plateforme d’apprentissage en ligne. L’analyse des propos a permis de distinguer les sources, les domaines et les modérateurs de la charge cognitive.

Sources de la charge cognitive

Huit sources de charge cognitive émergent de groupes de discussion. Trois d’entre elles sont évoquées de façon similaire par les étudiantes et étudiants neurotypiques et neurodivergents :

  • Les évaluations, surtout lorsqu’elles sont rapprochées dans le temps.
  • La navigation dans la plateforme de cours en ligne. Les personnes participantes ont relevé un manque de clarté, d’explications, de structure qui entrave la navigation.
  • Les problèmes techniques, avec les problèmes occasionnels (liens brisés, problèmes de connexion) qui entravent l’accès à une partie du contenu.

Deux sources sont évoquées différemment :

  • Le fait de poser des questions. Pour les personnes neurotypiques participantes, la charge cognitive découle du manque d’occasions de poser des questions durant les cours asynchrones. Pour les personnes neurodivergentes participantes, c’est plutôt la difficulté à poser des questions tout en prenant des notes (dans le contexte des cours synchrones) qui est associée à la charge cognitive.
  • La présentation des contenus. Toutes les personnes participantes ont identifié des problèmes en lien avec la présentation des contenus, mais les personnes neurodivergentes en relèvent davantage, notamment les difficultés liées aux contenus présentés trop rapidement, densément et sans support visuel.

Deux sources de charge cognitive sont uniquement évoquées par les personnes neurodivergentes participantes :

  • Les problèmes liés à la transcription et aux sous-titres, qui contiennent parfois des erreurs
  • Le manque de clarté des plans de cours (p. ex. distinction entre les lectures obligatoires et facultatives)

Domaines de la charge cognitive

De façon générale, l’équipe de recherche observe que les personnes neurotypiques ont évoqué des domaines liés à la charge cognitive intrinsèque (liée à la complexité d’un sujet), tandis que les personnes neurodivergentes ont davantage évoqué des domaines liés à la charge extrinsèque (liée à la transmission d’un sujet).

« Les étudiants et étudiantes neurotypiques ont davantage discuté des difficultés à comprendre le contenu lui-même, en particulier lorsqu’il s’agissait d’informations nouvelles et complexes, tandis que les personnes neurodivergentes ont insisté sur l’impact que des sous-titres, des transcriptions et une présentation du contenu inefficaces avaient sur leur charge cognitive. »

(Le Cunff, 2024, p.16 [traduction libre])

Dans le contexte de l’apprentissage en ligne, l’équipe de recherche émet l’hypothèse qu’un certain nombre de barrières se posent aux personnes neurodivergentes, avant même qu’elles n’aient à faire face à une charge cognitive intrinsèque.

Modérateurs de la charge cognitive liée à l’apprentissage en ligne

Outre les sources et les domaines de charge cognitive, l’équipe de recherche relève certains éléments qui contribuent à la modérer :

  • L’environnement d’étude, que les personnes étudiantes contrôlent davantage en contexte d’enseignement en ligne (p. ex. température, bruit, distractions).
  • La flexibilité offerte par l’enseignement en ligne, qui permet aux personnes qui étudient de contrôler davantage leur horaire, de faire des pauses et d’avancer au rythme et au moment qui leur convient.
  • L’accès à l’information. Le fait d’avoir accès aux notes ou de pouvoir facilement consulter des informations complémentaires réduit le stress lié à la prise de notes.

Suggestions des étudiantes et étudiants pour améliorer le design pédagogique

Enfin, les groupes de discussion ont permis d’identifier des pistes pour améliorer le design pédagogique des cours en ligne :

  • Rendre le contenu plus accessible (en le divisant en plus petites sections, en s’assurant que les sous-titres soient précis et que le son et la transcription soient de bonne qualité).
  • Offrir le contenu en différents formats (vidéos, photos, graphiques).
  • Donner davantage de pauses durant les activités d’enseignement synchrones.
  • Partager un plan de cours clair.
  • Enregistrer toutes les séances (pour donner à tous et toutes la chance de réécouter, de faire des pauses, d’aller à son rythme).
  • Prévoir des modalités pour interagir avec la personne enseignante et entre étudiants et étudiantes.

L’équipe de recherche fait valoir que ces suggestions peuvent bénéficier à toutes les personnes étudiantes et donc que ces pratiques inclusives sont porteuses d’une réelle amélioration pour l’ensemble des étudiantes et étudiants.

Référence

Cunff, A.-L. L., Giampietro, V. et Dommett, E. (2024). Neurodiversity and cognitive load in online learning: A focus group study. PLOS ONE19(4), e0301932. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0301932